La Marsa
L’histoire de la ville remonte à l’époque punique où son premier noyau appartient au quartier de Mégara, faubourg de la cité punique de Carthage. Dans Salambo,Gustave Flaubert y fait se dérouler un festin offert par Hamilcar Barca à ses soldats. En raison de son nom — Marsa ou Mers désignant un port ou un mouillage , des archéologues ont cru pouvoir y situer les ports puniques de Carthage. Mais, si la baie de La Marsa a parfois servi de mouillage, comme en 1856 pour le débarquement des troupes tunisiennes envoyées par Sadok Bey en Crimée, rien n’est encore venu confirmer l’existence d’un port à cet emplacement.
Peu après la conquête arabe, on y érige un ribat, où des hommes pieux montent la garde et enseignent à partir du xiie siècle le soufisme, et où sont inhumés quelques-marabouts célèbres. Au début du xvie siècle, le souverain hafside Abû `Abd Allâh Muhammad al-Mutawakkil choisit cette localité pour résidence estivale et y fait bâtir trois palais au sein d’un parc situé en plein centre. Plus tard, la Abdalliya sert de résidence aux consuls d’Angleterre avant de devenir la maison des hôtes européens en visite en Tunisie. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale , le bâtiment sert d’école primaire. Aujourd’hui seule subsiste la Abdalliya El Koubra, témoignage de l’architecture princière hafside, qui abrite un centre culturel.
Le climat conjugué aux paysages de falaises rocheuses, forêts de pins et orangeraies en font vite un lieu prisé des dignitaires, savants, bourgeois et artistes qui suivent la famille régnante. Car, dès le début du xixe siècle, les beys de Tunis font ériger de nombreux palais où ils s’y installent de mai à septembre : Mohammed Bey fait construire Dar El Tej vers 1855 avant que son successeur n’entame la construction d’un pavillon dominant la plage, la Koubbet El Haoua, destiné à dissimuler les baignades de la famille régnante. De même, sous le règne de Naceur Bey, est construit le palais Essaâda à l’intention de son épouse Lella Kmar, une odalisque circassienne qui épousa trois beys successifs. Centre du pouvoir pendant une partie de l’année, la ville attire vite ambassades et consulats dans le centre ou le long de la côte en direction de Gammarth, certaines bénéficiant de demeures beylicales délaissées comme les représentants français et britanniques.
Ainsi, la présence de hautes personnalités tunisiennes et étrangères contribue à l’essor de la localité.Henri Dunant , fondateur de la Croix Rouge en visite en Tunisie en 1858, décrit la localité dans sa Notice sur la régence de Tunis :
« Lorsqu’un étranger arrive à La Marse, tout lui annonce et lui fait sentir qu’il approche de la résidence d’un souverain d’Orient. L’animation règne aux abords du palais : ce sont les carrosses des grands de la cour, traînés par des chevaux ou des mules de prix, et conduits par des nègres à la livrée orientale ; ce sont des officiers, les généraux à cheval, les serviteurs du prince ou des Maures en grand costume ; les consuls européens dans leurs voitures ; les étrangers, les voyageurs, sans compter les caravanes d’Arabes, de Maltais, de Juifs ; ou des chameaux, des muletiers et des attelages de toute espèce et de toute sorte, qui vont et viennent de Tunis à La Marse. »
Le 8 juin 1883 , c’est dans cette ville que sont signées les conventions de la Marsa qui renforcent le contrôle des autorités françaises sur le jeune protectorat. Elle est érigée en municipalité en 1912.
Sidi Bou Said
Les Carthaginois puis les Romains auraient utilisé les hauteurs de l’actuel Sidi Bou Saïd pour y établir une tour à feu. Une mosaïque de six mètres sur cinq prouve d’ailleurs l’existence ancienne d’une villa romaine.
Au XIe siècle, les hauteurs du village sont choisies par les Almoravides pour la défense des côtes nord-est de la Tunisie. Des tours de guets et des tours à feu y sont construites. Elles donnent d’ailleurs l’appellation de la colline : Djebel Menara (« montagne du phare »).
Khalaf Ben Yahia Tamimi El Béji, né en 1156 et originaire de Béja, enseigne dans la rue qu’il habite à Tunis et qui a depuis conservé son nom. Vers la fin de sa vie, il se retire sur le Djebel Menara, dans le ribat construit sur la colline dominant le cap Carthage, pour monter la garde et y enseigner le soufisme. Il est alors surnommé « maître des mers » à cause de la protection que les marins naviguant à proximité du site pensent recevoir. Il meurt en 1231 et est enterré sur la colline. Sa zaouïa constitue sans doute le premier élément du village qui prendra son nom.
Des traces archéologiques repérées sur le versant nord laissent penser qu’un mur d’enceinte contourne alors le site.
Dès le XVIIe siècle, le charme de ce village séduit la bourgeoisie tunisoise qui y fait construire des demeures luxueuses. Il reçoit le nom de Sidi Bou Saïd lorsqu’il devient le siège d’une municipalité en 18933. Le 28 août 1915, un décret est pris pour assurer la protection du village, imposant le bleu et le blanc si chers au baron d’Erlanger et interdisant toute construction anarchique sur le promontoire4, faisant de Sidi Bou Saïd le premier site classé au monde.
Photos d’arrière plan housingimmo.com par Noureddine Fourati